HOMMAGE A LA DANSE A TRAVERS JACQUELINE MOREAU
Jacqueline Moreau, née le 7 mai 1926 à Bandol, et décédée à Marly le Roi le 8 novembre 2018 à 92 ans.
Elle a été première danseuse à l’Opéra de Paris de 1946 à 1951 et danseuse étoile des Ballets internationaux du Marquis de Cuevas de 1951 à 1959.
Elle a été ensuite professeur à l’école de danse de l’Opéra Garnier et du Conservatoire régional de Boulogne-Billancourt jusqu’à la fin des années 1980.
Rendre un dernier hommage à Jacqueline Moreau est essentiel pour moi aujourd’hui, ce professeur de danse hors du commun m’a forgée, m’a donné un cadre, des rails sans qu’elle le sache vraiment à l’époque où je suis restée au conservatoire de Boulogne de 1976 à 1985.
J’ai repris contact avec Jacqueline bien après, je regrette tant d’avoir attendu tant d’années avec autant de choses magnifiques à partager avec elle mais je suis heureuse d’avoir pu le faire, d’avoir pu la tenir dans mes bras, d’avoir parcouru sa vie en l’écoutant raconter avec bonheur sa carrière de danseuse, ce qui pouvait l’émouvoir, les liens qu’elle avait su tisser autour d’elle.
Jacqueline était très croyante, elle aimait plus que tout la vie et jusqu’à la fin son regard espiègle animé ne laissait jamais indifférent. Chaque rencontre était une étincelle avec elle, un partage authentique et profond, elle percutait sur tout avec une mémoire incroyable.
A 92 ans, cette femme est pour moi un exemple du bonheur à partager et de force vive.
La danse ne m’ayant jamais quittée, aimant toujours danser, danser ma vie et m’exprimer par ce biais, je continue à dire que c’est le meilleur amant pour moi qui me permet à tout moment de me recentrer, me remettre toujours sur les rails, me donner un sens pour avancer en adéquation corps, cœur et esprit.
Jusqu’à la fin de sa vie, elle a pu avoir la joie de rester dans sa maison à Croissy le week end tandis que la semaine depuis trois années, elle était dans une maison de retraite à ORPEA à Marly le Roi.
Je souhaite ici partager un de ces entretiens que j’ai eu avec elle où elle me contait son parcours, assise tranquillement sur sa chaise de jardin, habillée élégamment comme elle savait le faire avec toujours les chaussures et bijoux assortis, maquillée, coiffée et comme sortant d’un journal indémodable avec un raffinement et une classe incroyable.
Sirotant notre thé toutes les deux, je vous retransmets texto mot pour mot ce qu’elle m’a délivré le 1er septembre 2018. Nous avions un projet de livre ensemble sur la danse, son histoire, mon histoire avec l’expression corporel et la danse thérapie. Comment explorer toutes ses ressources et faire émerger le meilleur de soi par la danse en osant tout dire par une libération totale de ses émotions.
Elle avait également accepté d’être la marraine d’un spectacle de danse humanitaire qui est actuellement encore en mode projet mais la savoir à mes côtés pour le monter était fantastique pour moi.
Interview du 1er septembre 2018 à Croissy
Je dansais, je dansais tout le temps. Mon père avait beaucoup voyagé, il faisait des films, des documentaires, une année il est à NEW YORK ou il avait travaillé, il a rencontré un maître de ballet de l’opéra, un ancien danseur qui s’appelait LEO STAATS.
Léo Staats (Paris 26/10/1877 à 15/02/1952 Paris), formé à l’école de ballet de l’Opéra de Paris par Mérante et Hansen, il rejoint la compagnie en 1893 et devient maître de ballet de 1908 à 1926.
Léo était en train de monter une comédie musicale, mon père a eu l’occasion de lui parler et lui a dit
« Ecoutez, voilà ma fille qui a 9 ans, (j’avais 9 ans), elle danse, elle danse tout le temps, dès qu’il y a de la musique elle se met à danser, alors vous savez on va lui faire faire de la danse, on lui en fait faire un petit peu chez Isadora Duncun qui donne des cours à paris. On lui fait donner des cours là.
C’était de la gymnastique. C’était ce que l’on peut appeler de la danse moderne,
Très joli, on ne faisait presque rien mais c’était des mouvements qui étaient jolis. Cela ne menait à rien c’était pour des personnes qui voulaient passer du temps, c’est tout.
Isadora Duncan, née le 26 ou le 27 mai 1877 à San Francisco, et morte le 14 septembre 1927 à Nice, est une danseuse américaine qui révolutionna la pratique de la danse par un retour au modèle des figures antiques grecques. Par ailleurs, son travail chorégraphique accorde une place particulière à la spiritualité.
« Ecoutez quand je rentre à paris, téléphonez-moi et amenez-moi votre fille et je vais la voir, je jugerai un petit peu si sa petite silhouette correspond à une danseuse. »
Mon Père l’avait fait et il m’a emmenée le voir à son cours de danse. Il y avait un cours de danse rue Saulnier ou il y avait toutes les plus grandes danseuses, les étoiles, les grands sujets, toutes les étoiles de ballet qui travaillaient chez lui.
Il m’amène un jour et alors il me voit :
« Bon écoute, tu as une tenue ? »
Oui j’ai une tenue.
« Mets la et viens, mets-toi derrière, fais comme elles, essaie de faire comme elles. »
C’était tout à fait mon genre, je commence alors à faire tout ce que les grandes faisaient, le pas de danse, n’importe comment, je dansais derrière. Après il a dit à mon père, « je crois que oui elle a des dispositions pour danser. Si vous voulez vraiment qu’elle apprenne le métier de danseuse, il n’y a que à l’opéra de paris. C’est là où elle apprendra correctement la danse. » Alors, mes parents m’ont inscrite à l’opéra.
Je suis entrée à l’Opéra. On était une centaine, on a passé une visite médicale pour voir si on n’avait pas de scoliose, si on était droite, si on avait un corps qui pouvait bouger. J’ai été prise avec une centaine. Sur ces 100, ils n’en ont retenu que 50. Je faisais partie de ces 50. J’étais admise à l’essai pour voir si cela allait. Admise à l’école de danse comme stagiaire. De ce stage, au bout de 2 mois on a eu un petit examen et à ce moment-là j’ai été prise, j’ai été reçue à l’école de danse. On est resté une vingtaine.
C’est comme cela que j’ai commencé. J’ai le souvenir de la première fois, que je suis allée prendre mon premier cours. On m’a mis à la barre, maman m’avait acheté des chaussons de couture, ce n’était pas fameux à l’époque. J’étais à la barre et on nous avait appris déjà les positions, première, seconde… sans musique, sans rien.
Moi j’étais rentrée le soir à la maison et j’avais dit à mes parents : oh je ne veux pas retourner à l’Opéra, ah non, on n’est même pas sur la scène et il n’y a même pas d’orchestre, sans musique comme cela, non je ne veux pas.
« Eh bien, écoute, si tu ne veux pas il y en a d’autres qui voudront y aller à ta place. » Alors je me suis dit que cela ne doit pas être si mal que cela. Et alors je suis retournée naturellement et j’ai suivi tous les cours. Il y avait un examen chaque année. Je l’ai passé et j’ai été admise en deuxième année. Ils m’ont appris à danser, ce n’était pas drôle, on ne devait pas parler, moi qui étais bavarde, souvent on me mettait à la porte parce que j’avais parlé.
Durant ces deux mois, même en étant stagiaire seulement ils avaient besoin de feux follets pour la Damnation de Faust, alors ils avaient désigné quelques-unes d’entre nous. On avait des perruques phosphorescentes, des gants phosphorescents, un petit costume tout noir, des maillots noirs. On devait danser comme cela et à un moment donné, on était six à s’installer autour de Méphisto, alors il chantait « bonne nuit petite », la sérénade qu’il chante à marguerite et on jouait de la mandoline. Et à un moment il disait, « allez partez, faut partir ».
A ce moment-là, alors il fallait s’en aller tout doucement, on était dans le noir jusqu’aux coulisses.
Tiens un écureuil, regarde-le s’il est mignon, Jacqueline avait un œil perçant, rien ne lui échappait pendant qu’elle racontait, elle aimait particulièrement les fleurs, les animaux et donc interrompait son discours dès que la nature prenait le dessus
Voilà la première chose que j’ai faite. Il y avait des plus grandes qui m’avaient dit : « toi tu vas voir le diable, est ce que tu as peur du Diable ? » j’avais dit non.
« Ah tu sais il est terrible ce diable. » Alors du coup, je ne voulais plus descendre. Ils ont appelé le régisseur.
« Dis donc si tu ne veux pas descendre, tu peux partir chez toi. » Alors je suis descendue puis je me suis collée contre les autres.
Celui qui faisait le diable était venu et il avait dit « alors quelle est la petite fille qui a peur du diable ? » Alors je ne disais rien du tout et les autres disaient « c’est elle ». « Alors c’est toi qui as peur du diable ? »
« Je ne suis pas un méchant diable, je suis un gentil diable. Alors je te dis bonjour ». Il m’avait donné la main, il avait des faux ongles jusque-là. Bon, alors je n’ai pas peur, non
« Je ne suis pas méchant surtout avec une gentille fille comme toi. »
C’est un détail mais qui a été repris dans le film de Jean Benoit Levy, film la mort du cygne en 1937. J’ai été dans ce film. Micheline Boudet, Janine Charrat
J’étais aussi là-dedans, il avait repris cette chose d’une petite qui avait peur du diable
A partir de là, comme j’étais débrouillarde, il y en avait une autre de la même taille que moi et aussi débrouillarde, ce qui fait que l’on a toujours été prises toutes les deux pour faire les négrillons dans Faust. On apportait les coffrets, on devait se mettre à genoux et la danseuse étoile regardait dans un coffret, ah non il n’y a rien qui me plait dans le premier, puis dans l’autre non plus. Il y en avait deux qui n’avaient rien d’intéressant et deux devant. Une qui avait un collier, elle sortait le collier, elle disait non et l’autre avait un miroir et elle continuait sa variation avec le miroir et on devait remonter en vitesse pour ne pas la gêner.
Donc on faisait cela très bien, elle faisait tout un pas de danse, puis elle remontait et la petite revenait vers elle pour reprendre le miroir. C’était des petites choses mais il fallait les faire bien, Oh j’ai fait cela longtemps. Jusqu’au moment où j’ai grandi, j’ai monté de classe.
Tous ces rôles de première danseuse, je les ai ensuite tous faits et je trouvais pareil les petits rats qui devenaient mes négrillons. C’ est amusant parce que cela revient chaque année, c’est la même chose. Quand j’ai grandi encore, j’ai été négrillon dans Aida, et je dansais un peu au premier acte.
Une belle carrière de négrillon.
Puis j’ai monté chaque année et je suis montée de classe jusqu’au moment où j’ai été engagée. Comme il y a eu la guerre, en 40 il n’y a pas eu d’examen cette année-là, j’ai perdu une année. Sinon j’étais en première division et j’aurais été engagée. Et à l’époque aussi on engageait selon le nombre de danseuses dont on avait besoin. Quand une étoile prenait sa retraite, une première danseuse, un sujet en retraite, on montait.
Ils avaient besoin de six danseuses ou de quatre, cela dépendait. Quand j’étais prête pour monter, on était six. Zizi Jeanmaire était en même temps que moi dans le corps de ballet.
En 52 il y a eu l’examen, il fallait être dans les trois ou quatre premières. J’ai continué chaque année jusqu’au moment où je suis passée première des grands sujets et normalement j’étais engagée comme première danseuse. J’ai fait toute la lignée, j’ai fait tout depuis que j’étais stagiaire, je n’ai jamais quitté l’opéra. Je suis rentrée en 35, j’avais 9 ans.
J’ai suivi comme les militaires qui ont une carrière. Après j’ai beaucoup dansé comme première danseuse. Solange Schwarz qui est partie à la retraite, j’ai repris ses rôles.
Travailler dans cette atmosphère d’opéra, on dansait là-haut, on avait une verrière, ils peignaient les verrières en bleu pour que l’on n’ait pas trop de soleil, il faisait une chaleur l’été… Enfant on nous apprenait déjà l’équilibre pour danser en pente car la scène était en pente.
On connaissait tout l’opéra. Moi j’adorais entendre les chanteurs, mais on n’avait pas le droit d’aller sur la scène pour gêner les machinistes. Mais j’écoutais, je connaissais tout Faust, que j’avais commencé à connaître en étant négrillon.
On nous faisait venir plus tôt dans les loges, mais moi je me faufilais tout de suite, je me débrouillais pour passer entre les mailles du filet de la surveillante, je chantais Faust, je chantais Marguerite « ah je ris de me voir aussi belle dans ce miroir », quand elle chantait Valentin, Méphisto, je revenais à la maison et je chantais tout le temps.
Le revers de tout cela, c’était que pour les études, on ne travaillait que le matin et l’après -midi on dansait et on répétait. Alors le matin, je me souviens encore, on travaillait dans une école réformée rue d’Astorg, il y avait deux classes, c’est tout. Les plus grandes et les plus petites. On travaillait là et on ne sortait pas, il n’y avait pas de cours de récréation à part l’entrée. Roland Petit était avec moi. Je me souviens on n’avait pas le droit de monter au deuxième étage mais les garçons, avec Jean Babilée, ils montaient et redescendaient sur la rampe, c’était notre amusement.
Pour être engagée, il fallait avoir le certificat d’études, maintenant elles ont leur BAC professionnel. Je l’ai passé, je l’ai eu, je pouvais être engagée. C’était un mince bagage. Mes parents m’ont fait donner des cours en plus, il y avait une personne qui venait me faire travailler la grammaire, la littérature, le calcul, le calcul je n’étais pas douée. En calcul mental j’avais toujours 1 point ou zéro, impossible d’additionner deux et deux. Tout ce que j’ai appris, je l’ai appris dans la vie. J’ai beaucoup lu, une grande partie de Balzac, l’éducation sentimentale de Flaubert, j’ai lu pas mal.
Je suis arrivée à l’époque des premières danseuses en 1946, le directeur était très épris d’une petite qui était dans les petits sujets et il a voulu la faire passer première danseuse, il l’a fait passer puis immédiatement étoile. Et moi je pensais que j’allais devenir étoile puisque j’avais été nommée, c’était normale. C’était fini pour moi car j’avais les mêmes emplois qu’elle. J’ai quitté en 51 l’Opéra.
Je suis partie, j’ai fait la connaissance de ce garçon, Vladimir Skouratoff, (http://www.skouratoff.com)
Très beau danseur, on a été tous les deux au ballet des champs Elysées. On a eu beaucoup de succès et on dansait tous les pas de deux, Dom Quichotte
Le marquis de Cuevas a eu besoin d’un danseur et d’une danseuse, car une de ses danseuses était morte dans un accident d’avion.
On s’est présenté tous les deux et il nous a pris. On a fait des années chez lui, tout le répertoire chez lui pendant des années. Cela a très bien été.
On s’est séparé, moi j’ai continué avec d’autres danseurs qu’avec lui mais j’étais moins enthousiaste. Puis je n’ai plus voulu danser, j’avais plus de 30 ans, 35 ans et je me suis arrêtée.
Et comme je m’ennuyais beaucoup j’ai commencé à donner des cours de danse, j’ai revu Geneviève Guillot, j’étais première danseuse avec elle à l’époque. « Oh jacqueline il parait que tu t’arrêtes et que tu donnes des cours de danse »
J’en donnais aux filles de mes amis pour commencer.
« Tu sais, moi je cherche un bon professeur parce que je ne suis pas satisfaite », on lui donnait des filles qui partaient à la retraite et elle devait les prendre. « Je sais comment tu as appris la méthode de l’Opéra, moi je te demande de venir donner des cours aux petites à l’opéra. »
En 64, je suis rentrée à l’Opéra, pour m’occuper des petites stagiaires. Puis après cela, officiellement, « tu vas être à l’opéra comme professeur. »
J’ai commencé à donner des cours avec elle, j’étais très heureuse de retourner à l’opéra.
Claude Bessy est arrivée comme Directrice d’école. « Oh toi tu ne vas pas t’occuper que des petites, tu vas faire travailler les plus grandes. »
J’ai commencé en 3 -ème division puis en 2 -ème division et ensuite j’ai fini toute ma carrière en 2 -ème division comme professeur. J’ai travaillé plus de 20 ans. Entre temps j’avais passé un concours pour entrer comme professeur du conservatoire de Boulogne.
A Boulogne j’ai été en 67 professeur jusqu’au moment où Claude Bessy m’a demandé de venir à Nanterre dans des locaux magnifiques. « Je voudrais que tu me fasses une leçon supplémentaire, une classe de variation puisque tu les as dansées. Tu leur apprendras le perfectionnement. Il faudra que tu restes plusieurs fois par semaine plus longtemps que 3 h, tu ne pourras plus continuer à Boulogne. Ou tu refuses ces cours là et tu continues à Boulogne ou tu arrêtes à Boulogne et tu continues à l’opéra. »
On avait commencé à avoir cette maison à Croissy, ce n’était rien pour moi d’aller à Nanterre, près de la Seine. J’ai donné mes cours là-bas.
Je me suis arrêtée à 70 ans en 90. Je donnais les cours comme si je dansais. Je montrais les pas exactement en les faisant.
Une vie un peu exceptionnelle, aller à l’école et en même temps de danser. Il y avait tellement de joie et de bonheur à aller au théâtre. Un enfant qui doit aller au théâtre, s’habiller, se maquiller, qui doit avoir une petite expérience, on nous donnait une chose à faire qu’il fallait toujours réussir en dehors de la danse.
J’ai connu et entendu chanter Germaine Lubin, j’ai dansé longtemps dans Samson et Dalila, le duo de Dalila.
Sur scène j’ai arrêté à partir de 1962 ou 63.
J’ai eu un grand frère qui est mort à 43 ans de la tuberculose, ce fut très pénible pour moi.
Mon père est mort en 1965 à 86 ans et maman en 1977 à 90 ans, ils vivaient à Paris place de la madeleine. Mon père venait me voir danser, à la salle Wagram.
Peu de famille et je n’ai pas eu d’enfant.
Maurice, mon compagnon est mort au mois d’août, en 2014. Il était à l’opéra, décorateur à l’opéra.
Mes années de professorat ont été les plus heureuses, j’étais vraiment très très heureuse de donner des cours de danse, d’apprendre aux élèves ce qu’on m’avait non seulement appris mais aussi en dansant, je voulais leur éviter de faire les fautes que j’avais faites, je savais ce que j’avais mal fait, je savais ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. J’avais beaucoup d’humilité à donner mes cours de danse contrairement à ce que l’on pouvait penser que j’avais l’air bravache,
Moi j’aimais celles qui bossaient, celles qui ne bossaient pas m’intéressaient moins. Je voulais que celles qui bossaient arrivent à quelque chose.
Alain Louvier, l’ancien directeur du Conservatoire de Boulogne, m’a récemment mis un petit mot, il m’a écrit un petit mot charmant, il faut que je lui réponde, je suis paresseuse, je ne lui pas encore répondu, très jolie carte, très gentille. Il me dit qu’une visite est possible, il n’aurait pas demandé mieux que de venir me voir. Je me souviens de lui très très bien, il était bien comme directeur.
Il s’occupait beaucoup plus des musiciens mais il avait un œil sur la danse.
Il a fait jouer un orchestre, j’ai fait un ballet sur sa musique, il a bien voulu, il n’a pas eu peur. A part les variations, je ne faisais pas beaucoup de chorégraphie mais j’aimais bien.
Il y avait un autre directeur adjoint qui avait fait une musique électro acoustique. « Vous pourriez me faire une chorégraphie dessus ? »
C’était un piège, (sourire), j’ai dit oui, mais donnez-moi les bandes de la musique. C’était une musique avec aucun rythme, il fallait prendre des repères, j’ai fait un ballet qui valait quelque chose car cela a eu du succès à Boulogne, bien que les gens étaient étonnés que l’on fasse un ballet sur cette musique. Cela m’a passionnée de faire cela, les élèves étaient aussi intéressées, musique plus de leur époque.
« Vous m’épatez car vous n’êtes pas formée pour ce genre de musique. » Mais vous voyez dans la vie quand quelque chose vous plait on y arrive toujours.
L’Ennéagramme c’est bien aussi. Cela m’amuse. J’ai enlevé le diagramme de ton livre et l’ai scanné.
Il y a une dame à ORPEA qui ne mange pas très loin de moi, c’est une personne à qui je peux parler de choses et d’autres. Elle s’amuse, elle rit et elle comprend, je lui parle de plein de choses, pas très souvent. Elle est entrée en même temps que moi il y a 3 ans. Elle m’avait dit il y a longtemps., je pense que vous êtes épicurienne. J’ai lu sur l’Ennéagramme et alors cela m’a fait penser aussi à mon compagnon, c’était un perfectionniste, j’ai vu que l’épicurien pouvait fréquenter un perfectionniste…
Tiens, regarde, les oies… (la nature reprenait encore vie)
Ce qui est bien avec Sophie ( en parlant de moi et en s’adressant à Isabelle qui s’occupait si bien d’elle et qu’elle affectionnait beaucoup); je pensais ma vie un peu curieuse mais à côté de sa vie à elle, elle a voulu tout, comment est-ce possible de vouloir tout, tout contrôler, cela doit être une fatigue épouvantable.
Jacqueline se met à chanter
L’épicurien est souvent superficiel, il n’aime pas souffrir… moi j’étais dans la danse, c’est une sorte de lâcheté de vouloir éviter la souffrance. Pourtant toi, tu as souffert.
Moi je ne veux pas souffrir.
Fin de ce moment partagé avec Jacqueline
Vous pensiez Jacqueline que l’on allait vous oublier, c’était votre inquiétude et vous m’en parliez souvent, vous souhaitiez que je publie sur vous et vous m’aviez confié les articles et photos que vous auriez voulu que je partage. Voilà, cela est fait, je ferai en sorte que votre nom reste dans l’histoire de la danse.
Merci à vous tous pour avoir lu cette interview intégrale, avec ses mots à elle. J’espère que vous prolongerez , tout comme moi, encore de longues années le souvenir de Jacqueline.
Article écrit le 12/01/2019 par Sophie Touttée Henrotte, élève de Jacqueline Moreau au Conservatoire de Boulogne
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